jeudi 29 novembre 2012

Poulenc par Poulenc

Musique en liberté, sublime et rare : le 2e mouvement du concerto pour deux pianos de Poulenc, interprété par Poulenc et Février en 1962. 

"Au milieu de l'hiver, j'ai découvert en moi un invincible été." Albert Camus


lundi 19 novembre 2012

Que faire de l'ego ?





"Que faire de l'ego ?
Rien ! Ignorez-le, laissez-le tranquille !" disait Jean Klein.
Et bien sûr, il est loin d'être le seul !
Toute entreprise visant à se libérer de l'ego ne peut que le renforcer.
Le thème de l'ego est au coeur de toute démarche spirituelle. C'est le noeud de tout cheminement intérieur, la boule dans la gorge de l'être... du moins en apparence ! Et si on changeait simplement de point de vue à son sujet ? Et si l'ego était notre meilleur point d'appui, notre meilleur allié ?
Sur ce sujet au fond universel, je poste ici un échange passé en commentaires du tout dernier billet ("Seules fabulent nos fables..."), qui sera sans doute plus visible ainsi.


Oui, mais nos "petites histoires" envahissent nos esprits et nos vies, bel et bien, et pas souvent pour le meilleur...
Laisser faire semble rarement aider à dissiper ces illusions et leurs conséquences néfastes : illusions et conséquences sont bien réelles, inutiles (l'inutile fardeau...), mais bien réelles.
Il faut donc "faire" quelque chose...et ce "faire" ne me paraît pas simple...mais pas simple du tout. La désintoxication me semble même assez ardue. 
J'ose le terme : l'ego est une drogue, une drogue dure dont l'objectif principal -enfin c'est ainsi que je le ressens pour le moment- est de nous assurer que nous sommes bien vivant, c'est l'instinct de survie dans sa forme la plus élémentaire.
L’empreinte de l'ego conditionne la forme, la structure même de nos réseaux de neurones. Cette empreinte est "câblée" en "hardware", pas étonnant qu'on ait beau savoir être dans l'illusion et malgré tout continuer à jouer les mêmes bonnes vieilles routines. 
Mais ces réseaux sont plastiques, la science l'a démontré, alors, finalement, il faut s'atteler à la tâche, tels des sculpteurs.
Je ne dis pas qu'il n'existe pas d'autres moyens, plus directs, je n'en sais rien du tout, voilà tout...

Bises,
Cyril


Cher Cyril,
on peut en effet voir l'ego comme une drogue. L'ego est l'expression du sens de la séparation, ou la croyance en un être séparé, l'identification à un corps... En ce sens, l'ego est souffrance, et la souffrance est la seule drogue dont la fonction... est d'apprendre à s'en passer ! ;)
Perçu depuis l'Eveil, l'ego n'existe pas vraiment, pas plus que la souffrance. Tout cela fait partie du rêve, ok. Mais celui-ci semble éminemment réel, solide et indubitable du point de vue de l'ego ! Quoi de plus difficile dans une situation douloureuse, ou face à un épineux problème, partant de son point de vue, que de se convaincre que tout cela n'est qu'apparence ?
Même si c'est vrai, c'est totalement faux pour l'ego et simplement IMPOSSIBLE à concevoir. (et entre nous, tant mieux ! ce serait ajouter une béquille conceptuelle de plus, une croyance de plus, une illusion de plus...) Ah, ça nous fait une belle jambe, hein ? ;)
Réaliser notre impuissance totale à ce sujet est en fait indispensable. Comme le dit abruptement Tony Parsons : il n'y a AUCUN espoir pour le personnage, pour la petite personne... et la liberté se situe de l'autre côté du désespoir, ou juste en deçà. Le paradoxe est que la Porte du Royaume ne s'ouvre qu'avec cette clé : réaliser notre absolue impuissance en tant que personne (persona, le masque !) permet de tomber le masque, rendre les armes... abdiquer en faveur de l'Etre, se soumettre au Réel... Cesser de prétendre pouvoir contrôler quoi que ce soit est paradoxalement le gage de notre liberté absolue en tant qu'Etre, et c'est en ce sens que nous n'avons rien à faire. Que nous pensions faire ou contrôler quoi que ce soit ne change rien à l'affaire, cela ajoute en surface plus ou moins d'illusion et de souffrance, mais nous ne contrôlons et ne faisons rien en réalité, car il n'y a rien à faire ou contrôler : la Vie, le Réel, l'Etre, appelons ça comme on veut, s'en charge parfaitement bien ! "Moi" n'est que le fardeau surimposé sur ce qui se produit parfaitement sans "moi" : l'admirable et fascinant fonctionnement de l'organisme, les battements de notre coeur, le va-et-vient de la respiration, et bien sûr des pensées... des émotions... des désirs et des choix mêmes pour que nous prenons pour "nôtres". De toute façon, des décisions sont prises, pour répondre d'une façon juste, et l'instinct de survie prévu par l'Etre (que nous sommes) est une excellente chose ! Le problème surgit quand nous pensons qu'il s'agit de NOTRE survie. On ne protège qu'un nom, une forme, qui a le droit d'aller au bout de son expression, comme un chant... mais la musique que nous sommes n'a pas à être protégée ! Ce qui fonde nos forces échappe à l'effondrement.

Sans jeu du mental, sans crispation sur ce jeu du je, une réponse juste à un apparent problème, une situation, est donnée, sans commentaire inutile, sans histoire autour, sans plainte ni regret, sans crainte ni anticipation. Inutile d'en rajouter.
A partir de là, percevoir qu'il y a quoi que ce soit à faire pour Etre est encore un tour de passe-passe du mental. Même si les enseignants des voies dites progressives laissent à leurs élèves accepter cette idée, ils reconnaissent volontiers qu'on progresse dans la voie du mensonge (laisser l'ego croire qu'il peut faire quoi que ce soit pour se libérer... de lui-même ! ^^) jusqu'à être en mesure d'entendre la vérité. (c'est ABSOLUMENT sans issue pour l'ego.) Il est également possible de choisir une voie plus abrupte, plus directe, insistant sans cesse sur l'immédiateté du Réel. Pourquoi le remettre à plus tard ? Parce que l'ego ne veut pas lâcher. Mais il ne lâchera jamais. Et ça tombe bien, il n'a pas à le faire. Car il n'y a jamais eu d'ego, d'entité solide "moi", juste une pensée après une autre, toutes conditionnées depuis l'enfance, mais qui n'ont pas plus de réalité que des nuages dans le ciel ! Cela ne change en rien le ciel de l'Etre : ce que tu ne peux pas ne pas être, le flux de la Vie même. Les pensées ont et auront toujours le droit de surgir, et la possibilité de voir que nous ne sommes pas tenus de les suivre est toujours présente. En vérité, elle n'est pas qu'une possibilité : en profondeur, l'Etre n'a jamais suivi la moindre pensée mais accueille tout ce qui surgit spontanément. Transcendant le temps, l'espace et la causalité, la profondeur de l'Etre échappe aux jeux de masques de nos personnages, sans en être jamais séparée. Car ces jeux font eux-mêmes partie de ce flux produit par l'Etre ! Laissons l'ego, le personnage à ses jeux d'enfants ! Enjoy it ! Le comble de l'ego serait de le prendre trop au sérieux. Eckhart Tolle dit à ce sujet : "ne faites pas de l'ego une affaire personnelle." ;)
Be happy ! L'ego n'est pas séparé de l'Etre, la surface n'est pas séparée de la profondeur, de la Paix toujours présente, de la Joie sans objet, donc sans contraire, du Silence en deçà de ces mots, et vers lequel ils ne cessent de pointer. ;)
Il y aurait une infinité de façons de pointer vers "cela" qui Est, AVANT l'ego, MALGRE l'ego... Ce soir, je l'exprime d'une façon, demain ce serait d'une autre.
Et je suis désolé pour le retard à répondre à ton précieux commentaire.
Bien à toi !
Des bises
Rodolphe

Tableau de Christine Bouzou